Ce n’est pas un scoop : cette année, l’hiver rimera avec sobriété. Pour de multiples raisons (écologiques, politiques…), nous devons nous résoudre à moins consommer - et c’est une très bonne chose ! Oui, mais voilà : dans l’imaginaire collectif, “Noël” va de pair avec “lumière”, “sapins illuminés”, “décors féériques”...
Mais d’où vient vraiment cette “tradition de Noël”, intrinsèquement liée au faste et au grandiose ? Chez Juliette, on a souhaité interroger notre rapport à Noël, et trouver un peu d’inspiration auprès d’une ville qui a choisi de miser sur l’authenticité : Mulhouse. Explications !
Grandes illuminations des Champs Élysées, sapins et pères Noël géants aux Galeries Lafayette ou au Bon Marché, vitrines et boulevards illuminés… Dans l’inconscient collectif, la période des fêtes de fin d’année ne peut se penser sans une part de magie.
Dès l’Antiquité, le mois de décembre est une période importante - notamment chez les Romains, qui fêtaient les Saturnales du 17 au 23 décembre (pour célébrer le Dieu Saturne). Guirlandes, cadeaux et grandes tablées familiales : les Romains avaient déjà, à cette époque-là, le sens de la fête…
Même tradition en Scandinavie lors du Yule - une fête du solstice d’hiver où l’on organisait des banquets pour rendre hommage au dieu Odin !
👆 Au Moyen-Âge, Noël est célébré pendant douze jours en Angleterre, du 25 décembre et jusqu’au 6 janvier, au moment de la fête de l’Épiphanie !
Chaque année, les villes françaises rivalisent d’originalité pour se parer de leurs plus belles lumières. Doit-on penser, pour autant, que le véritable esprit de Noël a besoin d’illuminations pour exister ? Rien n’est moins sûr.
Au Moyen-Âge, on célébrait Noël plus longtemps… mais aussi plus simplement. À cette époque, les illuminations et autres décors festifs sont loin d’être monnaie courante. Pour insuffler l’esprit de Noël dans sa maison, on la décorait avec des bougies, des branches de houx, de lierre ou de conifères !
💡 Pour rappel, la première ampoule électrique n’apparaît qu’en 1879, grâce à Thomas Edison. Quant au premier sapin de Noël éclairé avec des lumières, il voit le jour en 1882 !
Ce n’est qu’à partir du XIXᵉ siècle (en Allemagne, d’abord) que les guirlandes illuminées (ainsi que le sapin de Noël) deviennent populaires. Bien que le premier sapin de Noël soit apparu au XVIᵉ siècle en Alsace, cette tendance devient mondiale lorsque la famille royale anglaise (notamment la reine Victoria) l’adopte !
Quant à la fameuse décoration du sapin, elle fait ses apparitions au Moyen-Âge (mais se démocratise, comme tout le reste, au XIXᵉ siècle). À cette époque, les sapins étaient décorés de bougies, cadeaux, friandises, pommes rouges, noisettes et pommes de pin… sans oublier l’étoile de Bethléem, qui symbolise la naissance de Jésus.
Rappelons, enfin, que Noël est avant tout une fête religieuse, centrée autour du partage, de la solidarité, de la famille… autant de bonheurs simples, finalement.
Pour la majorité des villes françaises, les illuminations de Noël rimeront avec sobriété cette année. Et pour réduire la voilure, chacune y va de sa stratégie !
Pour réduire leur consommation énergétique, certaines communes ont choisi d’investir massivement dans l’éclairage LED (pour “diode électroluminescente”, un dispositif nettement moins énergivore que les ampoules incandescentes).
À Metz (Moselle), l’éclairage est passé au 100% LED… ce qui a permis à la ville de diviser par 20 la consommation énergétique de ses installations sur les vingt dernières années, selon Français Grosdidier, le maire de Metz.
Autre solution adoptée par certaines villes : allumer les illuminations sur des plages horaires spécifiques et bien ciblées (comme les débuts de soirées, les week-ends… et, bien sûr, la veille de Noël).
Par exemple, cette année, les illuminations des Champs Élysées s’arrêteront à 23:45 (VS 02:00 les années précédentes), et prendront fin une semaine plus tôt qu’à l’accoutumée.
De son côté, la ville de Rennes a choisi de couper « de 34 % le périmètre » des illuminations. Même son de cloche à Bordeaux, qui proposera des illuminations du 9 décembre 2022 au 2 janvier 2023 seulement. Le tout, sur des plages horaires réduites.
Quant à la “capitale de Noël”, l’incontournable Strasbourg, elle a choisi de diminuer de 20% ses illuminations festives.
💡 Bon à savoir
Pour prendre leur décision, certaines municipalités ont opté pour la consultation citoyenne (en sondant leurs habitants avec un questionnaire, leur demandant s’ils préféraient que leur ville soit illuminée ou non - et si oui, sur quelles plages horaires, dans quels quartiers, etc). Une façon de cerner les attentes de la population et de prendre une décision collective et démocratique !
À noter qu’il n’existe à ce jour aucun arrêté préfectoral ou décret interdisant les illuminations de Noël. Chaque commune peut donc faire comme elle l’entend.
À Thionville (Moselle), seul un quart des illuminations sera accroché cette année. Du côté de la Bretagne, dans la petite ville de Quimperlé, on a choisi de tout couper… Idem à Béthune, dans le Nord-Pas-de-Calais. Quant au Havre (Seine-Maritime), le choix a été fait d’illuminer les rues le week-end uniquement !
Dans la petite commune de Vair-sur-Loire, il n’y aura pas d’illuminations cette année. En revanche, de jolies décorations en bois seront fabriquées par des bénévoles !
Comme l’explique l’anthropologue Abdu Gnaba, la tradition est un principe dynamique par essence. Autrement dit : elle est appelée à se réinventer - à la lumière du passé, mais aussi du futur. ”D'un point de vue anthropologique, la tradition est une réinvention permanente”, nous dit le chercheur. Et notamment la tradition de Noël, qui n’a eu de cesse de se réinventer - depuis sa première apparition, lors des fêtes païennes !
Et justement, en matière de tradition de Noël, Mulhouse a su se renouveler mieux que personne.
Située à l’Est de la France (tout près des frontières suisses et allemandes), Mulhouse est une ville ouvrière, fortement marquée par son industrie textile. Pendant la Révolution Industrielle, on la surnomme même “la Manchester française”.
Sa spécialité ? Les étoffes - ces tissus en laine, coton ou soie servant à l’habillement ou à l’ameublement. Cette tradition textile est même célébrée dans un musée (le Musée de l'Impression sur Étoffes de Mulhouse)... mais aussi dans la ville !
En effet, chaque année depuis plus de vingt ans, la ville de Mulhouse décore son marché de Noël, ses rues et monuments d’une nouvelle étoffe de Noël (avec un tissu spécialement créé pour l’occasion). Bien évidemment, l’année 2022 n’échappe pas à la règle. Cette année, la ville a même décidé d’aller plus loin, en se parant de ses plus belles étoffes de Noël (en mettant en lumière des collections de tissus des années précédentes).
Bref, Mulhouse a fait le choix de remplacer des illuminations coûteuses (et impersonnelles, soyons honnêtes) par son savoir-faire unique… et on trouve ça très inspirant (et pragmatique) !
Spoiler alert : cette année, l’âme de Noël est bien présente à Mulhouse !
Faut-il forcément des illuminations pour passer un bon Noël ? La question agite les conseillers municipaux de France et de Navarre, en ces temps marqués par la flambée des prix de l’énergie.
Pour tendre vers une certaine sobriété, certaines villes doivent innover. D’autres, comme Mulhouse, revalorisent leurs traditions anciennes. Et le résultat ? Il est tout aussi féérique qu’une guirlande électrique !